Arrêt no 7 du 10 septembre 2002

Cour d'Appel de Paris
18ème chambre, section D

Numéro de répertoire général : 01/37918

Sur appel d'un jugement du conseil de prud'hommes de Paris, section activités diverses du 16 mai 2001.

CONTRADICTOIRE

Parties en cause

  1. Monsieur B.
    14, rue des Meuniers
    75012 Paris

    APPELANT
    comparant assisté par Maître COUDERC, avocat au barreau de Paris (P84)

  2. SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES du 14, rue des Meuniers à Paris 12ème

    INTIMÉ
    représenté par Maître GILLET-BARTHÉLÉMY avocat au barreau de Versailles.

COMPOSITION DE LA COUR : statuant en tant que chambre sociale.

Lors des débats et du délibéré :

Président : Monsieur LINDEN
Conseillers : Monsieur ROSELLO
  : Madame PATTE
Greffier : Madame DESTRADE lors des débats

DÉBATS : À l'audience publique du 11 juin 2002

ARRÊT : contradictoire -- prononcé publiquement par Monsieur LINDEN, Président, lequel a signé la minute avec Madame DESTRADE, greffier.

FAITS ET PROCÉDURE

M. B. est entré au service du syndicat des copropriétaires du 14 rue des Meuniers à Paris 12ème à compter du 15 juin 1991 en qualité de gardien à service permanent, catégorie B, coefficient 143, l'évaluation de ses tâches en unité de valeur, y compris une astreinte de nuit, correspondant à un taux d'emploi de 110%. Il bénéficie d'un logement de fonction.

Lors de la signature du contrat, les heures d'ouverture de la loge étaient les suivantes : 8h à 12h30 -- 14h30 à 20h du lundi au vendredi ; 8h à 12h le samedi, le repos hebdomadaire étant fixé du samedi 12h au lundi 0h.

Suivant avenant du 23 mars 1995 destiné à mettre en harmonie ce contrat avec les nouvelles disposition de la convention collective des gardiens, concierges et employés d'immeuble par laquelle est régie la relation de travail, M. B. est devenu gardien concierge à service complet, coefficient 255, catégorie I, niveau 2, les horaires d'ouverture de la loge s'établissant désormais ainsi : de 8h à 12h et de 14h à 20h du lundi au vendredi et le repos hebdomadaire étant fixé du vendredi 20h au dimanche 24h.

M. B. soutenant qu'il relevait du coefficient 275 et que le syndicat des copropriétaires n'avait pas appliqué à bonne date les avenants de la convention collective ni respecté les disposition de cette dernière relatives à l'amplitude de la journée de travail et à l'astreinte de nuit, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 5 juillet 2000 de demandes en paiement de rappels de salaires, d'indemnités de remplacement et de treizième mois et en paiement de dommages-intérêts.

En cours de procédure, le syndicat des copropriétaires du 14 rue des Meuniers a versé à M. B. la somme de 54 799,53 F correspondant à un rappel de salaire complémentaire depuis juillet 1995, aux congés payés afférents et à la prime de 13ème mois et à un rappel au titre de l'avantage en nature « gaz ».

Par jugement du 16 mai 2001 dont il a interjeté appel le 6 juin 2001, le salarié a été débouté du surplus de ses demandes, portant sur l'attribution du coefficient 275 et le rappel de salaire correspondant et l'octroi de dommages-intérêts pour non-respect de la convention collective.

M. B. conclut à la réformation du jugement et demande à la cour de condamner le syndicat des copropriétaires au paiement des sommes suivantes :

Il demande en outre à la cour de condamner son employeur à lui octroyer trois heures de pause par jour de 12h à 15h, sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du premier jour du mois suivant la notification de l'arrêt, et à le rémunérer sur la base du coefficient 275 sous la même astreinte.

Le syndicat des copropriétaires du 14 rue des Meuniers sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de M. B. au paiement de la somme de 1525 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions déposées à l'audience du 11 juin 2002, visées par le greffier.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel

M. B. ayant justifié que le signataire de la déclaration d'appel formée en son nom au greffe du conseil de prud'hommes était avocat, l'appel est recevable.

Sur le coefficient applicable et le rappel de salaire

Le paragraphe C2 de l'accord du 14 janvier 1994 modifié portant révision de la classification des emplois et des dispositions relatives aux conditions de travail et de rémunération prévoit que le nouveau classement s'effectuera (sauf attribution d'un niveau plus favorable si l'emploi occupé l'exigeait par appréciation des critères de définition du niveau considéré) par application d'un grille de translation.

Suivant cette grille, le coefficient 255, niveau 2, attribué à M. B. à compter du 1er mars 1995, correspond au coefficient hiérarchique 143 suivant la nomenclature 1979 qui était auparavant le sien.

Il convient donc de déterminer si l'emploi occupé par l'intéressé lui permet de prétendre à l'attribution du niveau supérieur 275, étant précisé qu'aux termes de l'article 21 « classification des postes de travail et des qualifications professionnelles », alinéa 1 de la convention collective, le classement à un niveau donné est de droit si le salarié occupe de façon permanente un poste répondant à l'ensemble des critères de qualification exigés au même niveau.

Les critères de qualification du niveau 2 (coefficient 255) sont définis comme suit :

L'employé spécialisé exécute des tâches d'entretien courant et de gardiennage à partir de directives générales. Il a une certaine initiative dans le choix des moyens lui permettant d'accomplir ses tâches. Il peut être amené à assurer, sur instructions précises, des tâches administratives ou techniques simples et limitées (encaissement du terme par exemple).

Les connaissances requises sont celles fixées au niveau V bis de l'éducation nationale (2) acquise par la formation initiale, professionnelle ou continue ou par une expérience équivalente.

Poste repère : gardien-concierge : chargé de l'entretien courant et de la surveillance d'un immeuble ou d'un ensemble immobilier pouvant accomplir des tâches administratives ou techniques simple et limitées.

(2) Circulaire éducation nationale du 11 juillet 1967. Définition du niveau V bis : personnel occupant des emplois supposant une formation spécialisée d'une durée maximale d'un an au-delà du premier cycle de l'enseignement du second degré, du niveau du certificat de formation professionnelle.

Le niveau 3 (coefficient 275) correspond quant à lui à la définition suivante :

L'employé qualifié exécute toutes tâches d'entretien, de gardiennage et administratives et s'assure du fonctionnement normal des installations. Il apporte une assistance technique et sa collaboration dans les relations de l'employeur avec les occupants de l'immeuble et les entreprises extérieures. Il fait preuve d'initiative dans l'organisation de son travail qu'il exerce seul ou avec l'aide d'un ou plusieurs autres employés dont il organise et surveille le travail.

Les connaissances requises sont celles fixées au niveau V de l'éducation nationale (1) acquises par la formation initiale, professionnelle ou continue ou par une expérience équivalente.

Poste repère : employé d'immeuble qualifié : chargé de l'entretien courant, assurant le fonctionnement normal des installations de l'ensemble immobilier. Peut être chargé de tâches qualifiées en fonction des nécessités des services de l'ensemble immobilier et rend compte à son employeur ou à son représentant de ses interventions.

(1) Circulaire éducation nationale du 11 juillet 1967. Définition du niveau V : personnel occupant des emplois exigeant normalement un niveau de formation équivalent à celui d'un brevet d'études professionnelles (BEP) (deux ans de scolarité au-delà du premier cycle de l'enseignement du second degré) et du certificat d'aptitude professionnelle (CAP).

En l'espèce, suivant l'annexe au contrat de travail, M. B. est chargé de la surveillance générale des installation (ascenseurs, chaufferie), de tâches administratives courantes et de l'entretien des parties communes et des espaces libres ; il contrôle les tâches des préposés d'entreprises extérieures et effectue en outre les travaux spécialisés pour l'entretien des espaces verts.

Il résulte des attestations de copropriétaires et de celles établies par les représentants des sociétés Clefs de France et Mur et sol, dont il n'y a pas lieu, pour ces dernières, de mettre en cause la valeur probante même si elles ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 202 du nouveau Code de procédure civile, que M. B. est l'interlocuteur direct des entreprises amenées à intervenir dans le copropriété, surveille le travail des préposés des dites entreprises, apportant ainsi une assistance technique et sa collaboration dans les relations de l'employeur avec les occupants de l'immeuble et les entreprises extérieures. Il est également établi qu'il fait preuve d'initiative dans l'organisation de son travail, étant rappelé que le fait qu'il travaille seul n'exclut pas l'attribution du coefficient 275.

Le salarié a obtenu l'examen de fin d'apprentissage artisanal de boulanger en 1974 et est titulaire du diplôme d'agent de sécurité d'immeuble de grande hauteur obtenu à l'issue d'un stage du 20 au 24 juillet 1987.

M. B. ayant pris ses fonctions en 1991 avait nécessairement acquis une formations pratique lors de la mise en place de la nouvelle classification. Il en résulte que, même s'il n'est pas titulaire d'un BEP et d'un CAP, il a acquis un niveau de connaissances équivalent à ces niveaux de formation, étant rappelé qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 21, la référence aux niveaux de formation établis par l'éducation nationale n'exclut pas tous les autres modes de formation (théorique et pratique) permettant d'acquérir des connaissances équivalentes.

M. B. remplissant ainsi l'ensemble des critères de qualification requis pour le classement au niveau 3 coefficient 275 est par conséquent bien fondé à solliciter l'attribution de ce coefficient.

Son salaire de base tel que défini à l'article 22.1a) de la convention collective, étant inférieur au salaire de base conventionnel applicable au coefficient 275, il a droit à la différence entre le montant du salaire de base de ce coefficient et celui du coefficient 255, peu important que, compte tenu du complément de salaire personnel de 1956,76 francs, correspondant aujourd'hui à 298,31 euros, attribué au titre des avantages acquis, son salaire mensuel contractuel soit supérieur au salaire minimum conventionnel du coefficient 275.

Il résulte du décompte de M. B., tenant compte des différents avenants à la convention collective, que le montant du rappel au titre du salaire de base s'élève à 6020,75 euros pour la période de juillet 1995 à avril 2002 inclus. M. B. a en revanche bénéficié d'un trop perçu de 1708,69 euros au titre du salaire complémentaire conventionnel, le montant de ce dernier étant, au niveau 3, inférieur à celui du niveau 2 depuis janvier 1998. Par voie de conséquence, il existe également un trop perçu de 249,94 euros au titre de la prime d'ancienneté, soit un total de 1958,63 euros.

Par ailleurs, le syndicat a versé à M. B. un salaire complémentaire personnel inférieur à celui auquel il avait droit jusqu'en décembre 2000, de sorte qu'il est dû un rappel de 42775,68 francs correspondant à 6521,11 euros, presque intégralement admis par l'employeur dont le versement de 54799,54 francs correspondant à hauteur de 42062,80 à ce rappel.

M. B. a également droit à un rappel de 166,19 francs correspondant à 25,34 euros au titre de l'astreinte de nuit.

Le solde dû à l'intéressé, après déduction du trop perçu ouvre droit à congés payés.

M. B. a également droit à un rappel au titre du treizième mois de 8455,16 francs correspondant à 1288,98 euros, les réclamations des mois de janvier et octobre 1996 étant injustifiées. Cette prime allouée annuellement, rémunérant à la fois les périodes de travail et de congés, n'ouvre pas droit à congés payés.

Ainsi le rappel de salaire dû à M. B., dont il y a lieu de déduire les versements effectués par le syndicat, soit 5469,57 francs correspondant à 833,78 euros et 49504,68 francs correspondant à 7546,94 euros, déduction faite de la somme correspondant à l'avantage en nature gaz, soit un total de 8380,72 euros, s'établit comme suit :

- salaire de base 6 020,75
- salaire complémentaire personnel 6 521,11
- astreinte de nuit 25,34
  ------
  12 567,20
à déduire trop perçu - 1 958,53
  ------
- congés payés afférents 1 060,86
- treizième mois 1 288,98
  ------
  12 958,41
à déduire versements - 8 380,72
  ------
  4 577,69

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur la demande au titre de l'indemnité de remplacement

M. B., qui a effectué son propre remplacement pendant la période de congé, a également droit à un rappel au titre de la rémunération majorée perçue en application de l'article 26 de la convention collective, sur la base du coefficient 275.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

La somme réclamée, soit 2511,10 euros est justifiée au vu du décompte produit.

Sur les demandes en dommages-intérêts pour non-respect de la convention collective

période de juillet 1995 à avril 2002

L'article 18.3 de la convention collective dispose :

L'amplitude de la journée de travail, convenue au contrat de travail, ne peut excéder treize heures incluant quatre heures de temps de repos pris en une ou deux fois.

Ces deux durées (treize et quatre heures) peuvent être réduites dans la même proportion, sans que pour une amplitude de dix heures le temps de repos puisse être inférieur à une heure.

Le temps de repos peut, en outre, être limité à trois heures dans une amplitude de treize heures, pour les salariés de catégorie B à service complet ou permanent qui, dans ce cas, bénéficient d'une journée complète de repos le samedi ou le lundi (au lieu du samedi après-midi ou du lundi matin, comme prévu à l'article 19 [§ 3]).

Pendant les heures de repos, fixées selon les nécessitées du service (prises simultanément lorsque le mari et l'épouse disposent conjointement du même logement de fonction), le(s) salarié(s) peut (peuvent) s'absenter pour des motifs personnels ou familiaux. Ils devront faire application des dispositions prises par l'employeur pour assurer les services nécessaires à la sécurité de l'immeuble pendant leur absence.

M. B. en déduit qu'en cas de travail réparti sur cinq jours, l'amplitude de travail est nécessairement de 13 heures, sans réduction possible, avec trois heures de pause et que l'astreinte de nuit est limitée à 11 heures.

Il estime donc qu'en ne lui octroyant que deux heures de pause par jour et en lui imposant une durée d'astreinte de 12 heures, le syndicat des copropriétaires viole les dispositions de la convention collective.

Cependant, les dispositions de l'alinéa 3 du paragraphe susvisé ne sont pas exclusives de celles de l'alinéa 2. La réduction du temps de repos est donc possible même dans l'hypothèse d'une amplitude de travail inférieure à 13 heures, dès lors que le salarié bénéficie d'une journée de repos complète le lundi ou le samedi.

Tel étant le cas de M. B., qui dispose d'une journée complète de repos le samedi, son temps de repos pouvait être limité à deux heures dans une amplitude de douze heures, soit une présence effective de 10 heures, la réduction du temps de repos journalier se trouvant en effet compensé par une demi-journée de repos hebdomadaire supplémentaire.

La durée de l'astreinte de nuit n'est nullement limitée à 11 heures aux termes de l'article 18.5 de la convention collective, dans sa rédaction résultant de l'accord du 14 janvier 1994. La possibilité de réduire l'amplitude de la journée de travail à 10 heures s'oppose d'ailleurs à cette analyse.

M. B. ne justifie pas que l'avenant no 54 du 24 octobre 2001 relatif à l'astreinte de nuit limitant l'astreinte de nuit à 11 heures ait fait l'objet d'un arrêté d'extension.

Le syndicat des copropriétaires n'ayant dès lors pas violé les dispositions de la convention collective, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a débouté M. B. de sa demande en dommages-intérêts à ce titre.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Il convient par conséquent de débouter M. B. de sa demande nouvelle visant à obtenir trois heures de pause.

période antérieure à juillet 1995

M. B. ne peut, sous couvert de dommages-intérêts, solliciter le paiement de salaires prescrits. Tel est le cas pour la demande visant la non-application du coefficient 275, étant observé qu'en tout état de cause, ce coefficient n'était pas applicable avant 1995.

M. B. ne démontre pas que le syndicat des copropriétaires aurait violé les dispositions de la convention collective relatives au repos journalier et à l'astreinte de nuit, dans leur rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de l'accord du 14 janvier 1994. En effet, l'amplitude horaire de sa journée de travail étant limitée à douze heures, le syndicat des copropriétaires pouvait limiter à deux heures la durée du repos journalier. Par ailleurs, la durée de l'astreinte de nuit n'était pas limitée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. B. de sa demande en dommages-intérêts pour la période antérieure à juillet 1995.

Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Il convient d'allouer à M. B. la somme de 1600 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu à application dudit article au profit du syndicat des copropriétaires.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. B. de ses demandes en dommages-intérêts pour non-respect de la convention collective pour les périodes antérieure et postérieure à 1995 ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et ajoutant ;

Dit que M. B. doit être classé au niveau 3 coefficient 275 ;

Condamne le syndicat des copropriétaires du 14 rue des Meuniers à payer à M. B. les sommes suivantes :

Déboute M. B. de sa demande visant à se voir octroyer trois heures de repos par jour ;

Déboute le syndicat des copropriétaires du 14 rue des Meuniers de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Le condamne aux dépens.